GabonPolitique

Entretien avec Yvan Comlan Owoula. Consultant et Analyste Indépendant / Politique Africaine.

Quelle analyse faites-vous de la situation politique actuelle ?

«Rien n’est suffisamment précis ni clair. Quel que soit l’angle sous lequel on veut faire une analyse. Ce dont on peut être sûr, c’est que nous ne sommes hélas pas dans une situation normale. Je me rappelle encore cet article que j’avais fait autour de ces manifestations, ces mobilisations qui étaient organisé autour de la personne de Monsieur Ali Bongo Ondimba. Je m’insurgeais déjà contre cette façon de faire parce que, effectivement, je mettais en exergue le fait qu’Ali Bongo Ondimba n’est pas la propriété des PDG-istes ou encore des groupes qui gravitent autour de la grande maison PDG. C’est une erreur de le croire et jusqu’ici cela ne nous a amené nulle part, sinon que dans une impasse qui fait que finalement nous sommes en face de fanatiques qui témoignent une sorte de dévotion inébranlable, mais oublient l’essentiel, c’est-à-dire le projet de société de ce Président de la République. Et il faut le dire, le Président de la République, en termes de vision, en a une et une très grande pour notre pays, mais on ne pourrait effectivement avancer sur ce chantier si on passe du temps à aller chanter des louanges, non ! ».

Pourquoi est-il nécessaire de rappeler cela ?

Comlan Awoula analyste politique

« Alors, il faut quand-même dire qu’il était très important et qu’il est très important de le rappeler parce que cela nous renvoie quand-même dans le contexte exact dans lequel nous sommes aujourd’hui. La prestation de serment des ministres de la République reste quand-même un moment assez inédit parce que cela a, non seulement été fait dans un caractère assez biaisé. Comme vous le savez, la presse n’était pas autorisé justement à y entrer, à y assister pour filmer, donc il n’y a pas eu de retransmission en direct. Ce n’est qu’après un certain montage ou traitement de la vidéo d’origine que cela a été diffusé à la télévision nationale. A côté de cela, il y a quand même une image forte. Celle du Président Ali Bongo. Voyez-vous, Ce Président aimant les bains de foules a toujours été l’image est le symbole même du courage. Quoi qu’on puisse dire, Monsieur Ali Bongo Ondimba c’est l’image même du courage et de l’audace réunis. D’ailleurs, les sorties à cet effet de ce grand Monsieur, Asselé, qui comme il le dit, est l’oncle du Président de la République ou simplement de Monsieur Ali Bongo Ondimba, témoignent d’un réel malaise. Mais il l’a dit clairement. Cette image est dérangeante ! Nous n’avons pas, dans l’histoire politique du pays, été habitué à ce type de scénario dont on pourrait soupçonner certains griefs. L’image d’un Ali Bongo qui aime le débat, qui a du verbe. Nous ne voulons pas retenir de notre Président l’image d’un personnage diminué et qui donne même l’impression de ne rien maîtriser, d’aller et venir selon le bon vouloir de quelques individus. Voyez-vous, ces images qu’on nous a présentées de lui sont celles d’un homme diminué, faible, affaibli, malade. Cette image, qu’on le veuille ou pas, elle a marqué plus d’un et pas de la meilleure des manières parce que ce n’est pas cela que l’on connaît de notre Président ! ».

Peut-on parler de certain malaise dans le camp politique du Président ?

« Bien sûr que oui, même si certains se battent pour présenter une autre version au peuple gabonais. Mais il est important de dire que le malaise est quasi-généralisé ! Voyez-vous, je parlais de « confusion ou excès de zèle » et je mettais déjà en avant le fait de cristalliser les débats et le combat sur, uniquement, la personne, fini par occulter la nécessité du combat à mener sur et pour ses idées. J’ajoute que se battre pour lui est normal parce que le Président de la République et étant dans un état de santé autre que celui qu’on lui connait tous devrait aussi inviter les uns et les autres. Il faut prier pour lui, il faut l’encourager dans les efforts que lui et sa famille font pour son prompt rétablissement, il faut qu’il sorte de cet état pour qu’il continue bien sûr à avoir les rênes, à tenir le gouvernail de ce navire Gabon, par rapport au projet qui a été le sien. Il faut donc surtout éviter de se confiner dans une guéguerre de clans qui va davantage le fragiliser et faire en sorte que, d’une part, on ait une majorité à laquelle on fait le reproche de ne pas avoir l’idéologie d’Ali Bongo pour la construction du Gabon, mais seulement le souci de l’individu. D’autre part, on a une opposition qui passe du temps simplement sur l’absence ou la santé du Président, alors que les chantiers sont là. Et par ailleurs, on a quand-même cette frange de la population qui n’est complétement intéressée par rien du tout, parce qu’elle ne voit rien de clair dans le contexte politico-social actuel, sans oublier l’économie. ».

Etait-il ou est-il possible de faire mieux pour le Gabon ?

« D’emblée je dis oui car j’ai toujours de l’espoir pour un Gabon au demeurant digne d’envie ! Alors, on aurait pu être, et on le peut toujours, un peu plus intelligent ou encore un peu plus structuré en proposant autre chose aux gabonais, parce que, qu’on le veuille ou pas, il y a une certaine forme de choses, qui jusqu’ici, nous a été « proposé » et qui, malheureusement ou heureusement, arrange ou dérange ! Pourquoi n’a-t-on pas continué là-dedans ? Les journalistes, les médias auraient assistés par exemple à la cérémonie de prestation de serment des ministres du gouvernement de la République gabonaise de tous les gabonais, sans privilège aucun, ou privation quelconque, nous retransmettre cela en direct, avec minutie. Faire venir le Président dans les conditions qu’on a vu devait aussi les inviter à cette clarté. Là encore, nos dirigeants ont manqué, pas forcément d’intelligence, mais d’une certaine manière de faire. Comme quoi, à trop vouloir trop bien faire, finalement on fait un peu trop mal ! ».

Comment voyez-vous l’avenir proche du Gabon ?

« Assez mitigé ! Alors, aujourd’hui la situation est telle qu’il faudrait, sans considération partisane aucune, avec un esprit de patriotisme, mais vraiment au-delà de toutes les considérations, parfois égoïstes, se dire que le Gabon est un Etat. Il est un et indivisible, du moins, c’est mon souhait le plus ardant au demeurant. Préciser que l’heure est à la concrétisation. Seulement, selon que les choses sont faite, on a envie de croire que les uns les autres ne comprennent pas exactement que le Gabon appartient à tous les gabonais. Il revient donc à vous et nous, vous qui nous lisez, vous qui nous suivez, vous journalistes et nous, en tant que spécialistes d’une certaine question, de dire et de rappeler que le Gabon est pour tous les Gabonais, qu’on le veuille ou pas ! Pas besoin d’être opposant, partisan, encore moins neutre, pour dire gabonais, je suis gabonais je reste ! Pour dire « Gabon d’abord ! », comme nous l’a appris feu le Président Léon Mba. Alors, aujourd’hui la situation et celle dans laquelle, malheureusement, nous sommes tous interpellé à prendre nos responsabilités, et prendre nos responsabilités ne revient pas à briller par des manigances qui n’honorent pas le genre humain, le genre africain, encore moins, le genre gabonais. Cela participe de la consolidation de notre héritage le plus précieux – la paix – ! Chaque génération ayant sa responsabilité devant l’histoire, il est tant que le gabonais dans toute sa dimension, nonobstant son bords, ses convictions et aspirations, se ressaisisse pour un Gabon meilleur. Le gabonais voudrais désormais se loger convenablement, avoir une eau saine dans son bol. Il voudrait se nourrir avec décence. Mais regardez aujourd’hui, c’est la délinquance, l’homosexualité. Nous voulons compter sur cette jeunesse que nous sommes car il y en a encore qui ont de la valeur et qui peuvent construire. Que le gouvernement comprenne qu’il n’est pas à la solde d’un individu mais Gabon tout entier. Nous devons construire davantage notre République. Il faut dire que nous sommes aujourd’hui dans une position, j’ai envie de dire, scandaleusement dangereuse ! Mais qui aussi nous offre une opportunité de devenir meilleur, non seulement pour nous-même, pour les générations futures, mais aussi aux yeux du monde parce que le gabonais tend à perdre ses lettres de noblesses en se sédentarisant dans des faits surtout inutiles.».

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